A la barre : boucher le jour et voleur la nuit
Boucher au su de tous mais voleur dans l’ombre, Tambi est poursuivi pour la deuxième fois en moins de quatre ans pour les mêmes faits de vol aggravé par le tribunal de grande instance de Ouagadougou. Cette fois, il a, en complicité avec un compagnon de vice, soustrait la moto d’une dame, ce qui lui a valu 60 mois de prison ferme.
A quel âge Tambi (nom d’emprunt) aura-t-il une vie rangée ? Personne, pas même la famille de ce jeune trentenaire ne saurait répondre à cette question. Jugez-en vous-même : après une année passée en taule pour des faits de vol, le boucher qui ne l’est en réalité que de nom n’a pas tardé à retomber dans ses vices d’antan. En clair, il a encore été pris la main dans le sac. Tambi n’a peut-être pas le vol dans l’ADN mais il est encouragé par son pote de tous les quatre cents coups (Ndlr, nous l’appellerons Kassoum) à ne pas abandonner ce vice aussi vieux que le monde. La preuve, c’est encore à deux qu’ils ont, en juin 2022, retiré le scooter d’une jeune dame dans un quartier de Ouagdougou.
Ce jour-là, le duo avait planifié son coup gagnant. Cela consiste à pister la cible, l’intercepter le moment opportun, lui arracher l’objet guetté et se fondre illico presto dans la nature. Tambi et son acolyte, Kassoum ont repéré dans un restaurant leur ‘’proie’’ du jour, à savoir la dame propriétaire du scooter. Généralement pour parfaire le tableau, le duo joue une scène de deux inconnus qui se rencontrent sur un lieu donné. Sur une moto, Tambi remorque Kassoum, supposé être un passant qui demande à se faire déposer à un endroit précis, qui est en réalité le lieu où débute l’opération de vol. Kassoum ne sait faire mieux que celui qui intercepte la cible, la menace à l’aide d’un couteau. Si l’engin est récupéré, il file pour rejoindre son binôme à un endroit convenu à l’avance. Mais si l’arraché échoue, il doit tout faire pour s’enfuir avec Tambi qui n’est jamais loin. Une stratégie tout aussi efficace mais qui, pour une fois a failli. Car aucun témoin n’a cru à ce tableau quand la jeune dame au scooter, après avoir quitté tout juste le parking du resto, a vu sa moto confisquée par Kassoum. C’est pour cela que Tambi a vite été démasqué par des riverains du resto où il a fait descendre son pote Kassoum peu avant le braquage. Contrairement à Kassoum qui a réussi à échapper à la police et donc à des poursuites judiciaires, Tambi peut ainsi se considérer comme le moins chanceux du duo.
Lors de l’instruction du dossier devant le parquet, Tambi a tenté de se tirer d’affaire avec un argumentaire qui fait de lui un parfait étranger à la scène déroulée devant le restaurant. Cette ligne de défense, il l’a répétée devant les juges du tribunal de grande instance de Ouaga, en soutenant mordicus que l’inconnu qu’il a remorqué a sauté de l’arrière de sa moto pour récupérer celle de la bonne dame sans qu’il ne soupçonne à l’avance de mauvaises intentions. Son « seul péché », fait-il croire, « c’est d’avoir remorqué un inconnu qui s’est révélé être un voleur ». Le ministère public n’y a pas cru, estimant que l’infraction de vol aggravé est suffisamment constituée. Et de requérir contre le prévenu une peine d’emprisonnement de 24 mois ferme avec une amende de 500 000 F CFA. A leur tour, les juges ont estimé que la culpabilité de Tambi est établie, ce qui lui vaut 60 mois de prison et une amende de 500 000 F, le tout ferme.
Cinq ans de prison c’est la part gâchée d’une vie de boucher déguisé. Rançon de la malhonnêteté et surtout de la récidive. Mais à quoi le jeune trentenaire pouvait-il s’attendre ? Rien de mieux. Pour paraphraser l’écrivain français Jules Renard, ce qui arrive au jeune Tambi est avant tout le moindre des risques de ce vilain métier pour lequel il a opté, le vol étant « un travail comme un autre, et souvent plus difficile qu’un autre ». Or celui qui s’est présenté à la barre dans un maillot aux couleurs de son pays le Burkina, voulait sans doute afficher l’intégrité qui va avec, montrant qu’il ne sait mieux faire que son travail de boucher. Il ne pourra le prouver que cinq ans plus tard quand il sortira de prison et donner raison à Voltaire qui définissait le travail comme cette chose qui éloigne l’humain du « vice, l’ennui et le besoin ».
Bernard Kaboré