Droits humains au Burkina : un état des lieux «préoccupant », selon la CNDH
Le tableau des droits de l’Homme au Burkina est peu reluisant. En effet, dans son rapport 2020 sur la situation des droits humains, la Commission nationale des droits humains (CNDH) évoque « un état des lieux préoccupant », avec à l’appui des cas de manquements. La présentation dudit rapport a eu lieu ce vendredi 9 décembre 2022 à Ouagadougou.
Comme pour résumer en une image l’état des lieux des droits humains au Pays des hommes intègres, la couverture du rapport est drapée d’une photo d’une véhicule calciné non loin duquel apparait un militaire, arme en bandoulière. Au-dessous de l’image, cette légende : « Photo illustrant l’attaque de Solhan ». Solhan, c’est cette localité du Sahel burkinabè devenu tristement célèbre depuis que l’une des plus meurtrières attaques terroristes y a été perpétrée en juin 2021 avec un bilan de 132 personnes tuées.
L’image de couverture résume à elle seule le contexte dans lequel le présent rapport, 90 pages, a été élaboré. Un contexte marqué par une double crise sécuritaire et humanitaire. C’est pour cela que viennent en tête des quatre thématiques retenues : « La situation des droits humains dans le contexte sécuritaire » et « la situation spécifique des personnes déplacées internes », deux (2) thématiques déjà analysées dans le précédent rapport, celui de 2019-2020. Ces thématiques semblent plus préoccupantes que les deux autres, à savoir les droits catégoriels et les droits humains en lien avec le développement.
Faisant une synthèse du document, le rapporteur général, Antoinette Sawadogo/Pouya a fait noter « une recrudescence des attaques terroristes en 2021 qui ont donné lieu à de nombreuses violations des droits humains. L’ensemble des droits humains, qu’ils soient civiles, politiques, économiques, sociaux et culturels, ont été gravement affectés par la dégradation du contexte sécuritaire ». La CNDH insiste sur le fait que des populations civiles sont les cibles de violences terroristes et met en cause l’Etat en tant que garant de la sécurité des populations et de leurs biens.
Alors que, durant la période concernée par le rapport, les Forces de défense et de sécurité ont, elles aussi, été éprouvées par les actes terroristes, la CNDH note que les opérations de riposte contre l’ennemi « ont souvent donné lieu à des allégations de violation des droits humains généralement attribuées aux militaires et les Volontaires pour la défense de la patrie ». Disparitions forcées ; restrictions « disproportionnées » des libertés d’expression, d’opinion et d’information, sont autres manquements en rapport avec la crise sécuritaire relevés par la CNDH. Au titre des droits économiques, sociaux et culturels, le rapport fait état de leur dégradation continue par rapport à 2020. Les éléments d’appréciation sont notamment : la fermeture d’établissements scolaires, les attaques dirigées contre des infrastructures sanitaires, la destruction de dépôts de médicaments, l’impossibilité pour certaines personnes de cultiver, la fermeture de « nombreux » services administratifs, …
En se penchant sur le cas particulier des personnes déplacées internes, la CNDH a constaté un accroissement de 40% du nombre de ces déplacés en l’espace d’une année, soit de 1 million de personnes en 2020 à 1,5 million en 2021. Une situation, une fois de plus, consécutive à la dégradation du climat sécuritaire. Et à ces niveaux, les violations de droits se rapportent à l’alimentation, au genre, aux services sociaux de base, à l’assainissement et à l’accès à l’eau potable, au logement, à la santé, et surtout à l’éducation.
Au titre des droits catégoriels, le rapport fait cas d’une persistance des violences conjugales et des cas de viols ainsi que le recrutement d’enfants par les groupes armés terroristes.
Les recommandations de la CNDH sont aussi nombreuses que les défis qui se posent. Sur la situation des droits humains dans le contexte de crise sécuritaire, la Commission a appelé au renforcement des opérations de protection des populations, de lutte contre le terrorisme et de sécurisation du territoire « dans le respect du droit international humanitaire, du droit des refugiés et de la législation nationale ; à de mesures pour la réouverture et la sécurisation des services administratifs, des tribunaux et autre structures étatiques dans les zones à fort défi sécuritaire ; à mettre en place un fonds d’indemnisation des victimes du terrorisme ; à enquêter systématiquement sur le allégations de disparitions forcées, d’exécutions sommaires et extrajudiciaires.
Entre autres recommandations concernant les PDI, la CNDH souhaite que des auteurs et complices des violations des droits de cette catégorie de personnes soient recherchés, jugés et sanctionnés systématiquement ; que la protection et l’assistance de ces déplacés soient renforcées et que les sites qui les accueillent soient mieux sécurisés.
Bernard Kaboré