Résilience de l’économie en temps de crise : L’Economiste du Faso pose le débat
Finances publiques, entreprises et ménages, quel tandem pour en sortir résilient en période de crise, comme celle, sécuritaire, que traverse le Burkina depuis quelques années ? A l’occasion de son dixième anniversaire, l’hebdomadaire spécialisé, L’Economiste du Faso, a mis la question en débat à travers un panel tenu ce 28 mars 2023 à Ouagadougou. Un panel animé par des têtes d’affiche, comme l’ancien ministre de l’Economie numérique, Nébila Amadou Yaro.
« Résilience en période de crise : finances publiques, entreprises et ménages, quel tandem pour en sortir ? » C’est la thématique retenue par l’Economiste du Faso pour poser la réflexion sur un sujet plus que jamais d’actualité au Faso, à savoir la résilience de l’économie nationale face à la crise, principalement sécuritaire, que traverse le pays. Pour en parler, cinq panelistes bien au fait du sujet et représentant différentes structures et institutions ont été conviées : Guy Olivier Ouédraogo, patron de la Confédération syndicale burkinabè (CSB), Idrissa Kaboré, directreur des Etudes et de la stratégie de la Chambre de commerce et d’industrie ; Issa Compaoré, membre du Conseil national du patronat , Jean gabriel Tougma de la direction générale de l’Economie et de la prospective du ministère en charge de l’Economie et des finances et Nebila Amadou Yaro, ancien ministre de l’Economie numérique, ancien directeur général de l’ENAREF et modérateur du jour.
Dans une communication introductive, Nébila Amadou Yaro s’est posé la question de savoir comment peut-on faire fonctionner l’économie en période de crise. Mais avant, cette analyse : « la situation de nos finances publiques est difficile. Elle est d’autant plus difficile qu’il y a de nouveaux besoins sécuritaires. Les conséquenses sont dramatiques même s’il est vrai que fait de tout son mieux pour satisfaire les besoins régaliens comme le paiement des salaires ». Comment continuer de trouver des ressources endogènes pour les besoins de l’Etat, sans cesse en augmentation du fait de la crise sécuritaire ? Alors que certains préconisent de mettre en place une économie de guerre, qui s’entend des pratiques économiques exceptionnelles mises en œuvres lors de périodes historiques de fortes agitations pour le maintien des activités économiques, qui implique des bouleversements dans le système de gestion, Nebila Yaro pense « qu’il nous faut trouve d’autres paradigmes alliant intelligemment les éléments et moyens d’une économie de guerre à ceux d’une économie classique ».
Quelles propositions pour s’en sortir ? Pour Nebila Yaro, il s’agit, dans un premier temps, de bâtir une véritable stratégie de finance publique pour une sortie de crise. Car, « quelles que soient les perspectives en termes de temps de sortie de crise, l’insécurité actuelle laissera des marques durables sur l’économie et les finances publiques burkinabè », prophétise-t-il. Pour Nébila Yaro, il faudra « mettre en place une politique budgétaire orientée vers la soutenabilité des engagements internes de l’Etat, c’est-à-dire sa dette intérieure ». Le paneliste, citant l’Agence Ecofin, soutient son propos en ces termes : « En fin mars 2022, la dette publique burkinabè s’établissait à 9,7 milliards de F CFA mais 53 % de cette dette vient des créanciers internes ». Et d’en appeler à l’apurement de la dette intérieure. Outre l’apurement de la dette intérieure, l’ex-directeur de l’ENAREF invite à une réduction du train de vie de l’Etat. « Non plus seulement d’affirmer ou de réaffirmer une volonté mais faire en sorte que cela soit une véritable réalité ». Et de saluer les efforts du pouvoir de la transition dans ce sens avec comme preuve la suppression du Haut conseil pour le dialogue social (HCDS). De manière pratique, l’orateur a suggéré ceci au gouvernement : « convoquer un contrat budgétaire qui va réunir tous les ordonnateurs et tous les administrateurs de crédit, leur fixer des objectifs de résultats de réduction pendant un temps déterminé ». A côté de tout cela, Nebila Yaro a estimé qu’il faut élargir l’assiette fiscale et limiter la fraude fiscale.
Quelle meilleure posture à adopter pour le secteur privé ? « Elles doivent changer de paradigme. Elles doivent se prendre en charge tout en mettant un type de gestion qui tient compte de la situation », a conseillé l’ex-ministre. Sur ses propositions, il estime que « tout cela doit se faire dans le cadre de concertation. Et de proposer la tenue d’une « conférence nationale sur la résilience économique » qui pourrait offrir ce cadre de concertation.
A la suite de l’ancien ministre, les autres panélistes ont contribué à décortiquer cette thématique retenue par le canard pour célébrer ses dix ans de marche. Pour le directeur de publication du journal, Abdoulaye Tao, l’organisation de ce panel répond à l’objectif « d’ouvrir le débat sur comment on gère la crise multidimensionnelle alors que dans le même temps il faut qu’on trouve des solutions. Trouver des solutions, c’est faire la guerre et faire bouillir la marmite, comme on dit, tant au niveau de l’Etat qu’au niveau des ménages ». En réunissant des entités différentes (patronat, syndicats, ministère de l’Economie), l’objectif est de mettre en débat toutes les compréhensions possibles de la résilience. Autrement, « comment chacun fait sa résilience et comment la résilience de l’un peut impacter l’autre », explique le directeur de publication.
Dix ans après avoir poussé son premier cri, le canard spécialisé aura fait, lui aussi, preuve de résilience. « On est né en 2013, il y eu l’insurrection de 2014, ce n’était pas le meilleur moment pour lancé un journal. De crise en crise jusqu’à ce jour, on n’a jamais eu véritablement l’occasion de nous déployer. Mais à force d’y croire, nous arrivons à passer les étapes, une par une, non sans difficultés mais avec la volonté d’aller de l’avant », s’est félicité Abdoulaye Tao.
En dehors du panel, d’autres activités sont organisées dans le cadre de ce jubilé d’étain. Comme un don de vivres fait, il y a quelques jours, aux veuves et orphelins des militaires tombés au front, en signe de contribution à l’effort de guerre. Une formation en journalisme économique, le lancement prochain du Club de l’Economiste, un cadre de discussion avec des acteurs du monde économique sont également prévus.
Bernard Kaboré