Jamais depuis sa création en 1984, surfant sur la vague de l’ardeur révolutionnaire à réinventer l’homme voltaïque en Burkinabè nationaliste pur et dur, la Semaine nationale de la culture (SNC) aura connu un si long et difficile accouchement qu’à la 20e édition !
En effet en 1984, la première édition de cette manifestation culturelle d’envergure, devenue biennale en 1986, s’est tenue au pas de charge, pour des besoins de captation du sentiment affectif des communautés nationales pour leur culture au service du patriotisme révolutionnaire. En 2023, la 20e édition se tient après 2 reports et dans un contexte national où le cœur des Burkinabè n’est pas à la fête. Les crises sanitaire, sécuritaire et humanitaire, liées à la pandémie de Covid-19 et aux attaques des groupes armés terroristes, ont douché le faste et la ferveur festivalière qui entourait les SNC jusqu’en 2018. Les mauvaises nouvelles du front de la lutte contre le terrorisme, les séquelles de la crise économique née de la survenue de la pandémie à coronavirus rappellent ou devraient rappeler aux Burkinabè que l’urgence pour le pays n’est pas dans les réjouissances populaires jusqu’au bout de la nuit. Des veuves, des orphelins de soldats ou Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), des déplacés internes crient famine, maladies et déscolarisation inquiétantes.
Mais après 2 reports en 2020 et 2022, il était plus qu’urgent que la biennale de la culture burkinabè arrête de répondre aux abonnés absents de l’agenda national. C’est une question d’orgueil pour l’Etat-nation en construction depuis la création de la colonie de Haute-Volta en 1919. Ballotté, démantelé, reconstruit, déstabilisé, aujourd’hui plus qu’hier, il plie mais ne rompt pas sur la voie de sa sédimentation.
Dans cette dynamique, la tenue de cette 20e édition de la SNC est assurément une autre preuve de résilience du pays face aux attaques récurrentes et à l’occupation actuelle de pans entiers de son territoire. Au demeurant, le thème de cette 20e édition de la fête nationale de la culture, ‘’Diversité culturelle, ferment de l’unité nationale’’, en dit long sur la volonté des autorités étatiques de faire de la mosaïque de nos communautés nationales et de la diaspora un atout de cohésion, un ciment de tolérance, un socle du destin commun, forgé à nos populations par l’histoire et la géographie.
En effet, durant cette biennale, une troupe de danse traditionnelle gourmantché qui cède la scène du spectacle à une troupe peule, qui la cède à une troupe bobo, qui la cède à une troupe mossi ou kassena, etc., sans oublier les coulisses de la scène, les réfectoires, les dortoirs, les moyens de transport… partagés, ce sont autant de frottements dans une relation fraternelle qui guérissent des clichés d’intolérance du genre : ‘’L’enfer, c’est les autres’’. Au contraire, comme le dit si bien Antoine de Saint-Exupéry : ‘’Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis’’.
Voilà pour le fond du thème et le signal de résilience que constitue la tenue de cette 20e édition de la SNC. Et après l’organisation réussie du SIAO, du 28 octobre au 6 novembre 2022, et celle tout aussi bonne du FESPACO, du 25 février au 4 mars, la tenue de la SNC, quel qu’en sera le palmarès, est une victoire du courage sur la peur, de l’espérance sur le fatalisme, des Burkinabè sur les pêcheurs en eaux troubles, malgré la situation difficile qui est la nôtre.
SNC Bobo 2023, voilà donc le tout-Burkina, la tête hors de l’eau, pour un bol d’air de résilience pour l’unité nationale !
Zéphirin Kpooda