Justice

Affaire guérisseuse de Komsilga : les syndicats des magistrats partent en grève

Déclaration de l’intersyndicale des magistrats relative a l’intrusion de militaires dans le cours de la justice, affaire dite « la guérisseuse traditionnelle de Komsilga ».

Ces derniers temps, l’opinion publique a été choquée en découvrant, à travers une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, une scène de torture d’un quinquagénaire par des individus dans une localité identifiée plus tard comme étant le village de Rakissé dans la Commune de Komsilga, lesquels individus auraient agi sous l’égide d’une guérisseuse traditionnelle qui serait leur patronne.

Dans l’exercice des prérogatives qui sont les siennes, le parquet près le Tribunal de grande instance Ouaga II a instruit les éléments de la police judiciaire à l’effet de diligenter une enquête circonstanciée et, le cas échéant, d’interpeller les personnes impliquées dans les actes de sévices récriminés. L’enquête policière close, le parquet a décidé d’engager des poursuites judiciaires pour des faits de torture, de coups et blessures volontaires et de séquestration contre neuf (09) personnes mises en cause ce 28 juillet 2023. Alors que des mandats de dépôt venaient à peine d’être décernés contre les mis en cause pour les besoins de la procédure, l’on a constaté un encerclement du Palais de justice du Tribunal de grande instance Ouaga II par un groupuscule de militaires encagoulés et armés, à bord notamment de deux (02) pickups et d’un blindé pour, disent-ils, « libérer la guérisseuse » des mains des agents de la Garde de Sécurité Pénitentiaire (GSP). Courant 18h50, ils quittaient les lieux, la « guérisseuse » restant maintenue entre les mains de la GSP. Courant 04h du matin, elle était cependant, contre toute attente, remise à des éléments dits relevés de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR) sans accord du Procureur du Faso près le TGI Ouaga II et ce, sur instructions du Directeur général (DG) de l’administration pénitentiaire, déclarant lui-même plus tard avoir agi sur instructions du Ministre en charge de la justice et des droits humains.

Cette réaction de ce groupuscule de soldats est tout aussi gravissime qu’inattendue dans un contexte où la bravoure des Forces de défense et de sécurité (FDS) et leurs supplétifs se fait attendre sur le théâtre opérationnel de la lutte contre le terrorisme en vue du rétablissement de la paix, la quiétude et du retour des personnes déplacées internes. Le constat douloureux révèle que ce contexte est marqué par l’emprise des groupes armés terroristes sur de nombreux villages, pendant que de nombreux autres villages sont en train d’être déguerpis. Au même moment, du fait de l’insécurité, des localités entières sont déconnectées du reste du pays, des cultivateurs éprouvent des difficultés à accéder à leurs champs et des éleveurs migrent à leur corps défendant dans d’autres pays avec leurs bétails. Il est utile de rappeler que certains motifs avancés par des Burkinabè pour se mobiliser aux côtés des groupes armés terroristes sont entre autres les abus des FDS et leurs supplétifs, outre la récusation des institutions républicaines, le manque d’emploi, l’insuffisance des infrastructures éducatives et sanitaires notamment en milieu rural. Les appels sans cesse des autorités de la Transition à l’unisson des citoyens pour vaincre le terrorisme contrastent manifestement avec les actes d’incivisme d’une telle nature qui mettent à rude épreuve la collaboration des citoyens avec leurs forces combattantes.

Face à l’extrême gravité des faits commis par ce groupuscule de militaires dont la bravoure doit se mesurer en ces circonstances sur le champ de bataille plutôt que dans un déploiement insouciant, irresponsable et contre-productif contre des enceintes judiciaires, l’intersyndicale des magistrats :

  • condamne avec la dernière énergie cette réaction consistant à soustraire une citoyenne d’une procédure judiciaire, portant ainsi atteinte à l’indépendance et à l’autorité de la justice ;
  • invite les auteurs de cet enlèvement à procéder à la remise sans délai et sans condition de la mise en cause en vue de sa réintégration à la maison d’arrêt pour la suite de la procédure ;
  • encourage les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) et leurs supplétifs qui se battent quotidiennement pour le retour de la paix et de la quiétude dans notre pays ;
  • salue le professionnalisme de l’ensemble des acteurs du Tribunal de grande instance de Ouaga II et leur apporte son entier soutien ;
  • interpelle le Président de la Transition sur l’étendue de sa responsabilité en tant que Garant constitutionnel de l’indépendance du pouvoir judiciaire ;
  • appelle l’ensemble des magistrats du Burkina Faso à la suspension de toutes les activités en juridiction jusqu’à l’intégration de la dame dite guérisseuse traditionnelle à la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou.
    Fait à Ouagadougou, le 29 juillet 2023

Pour le Syndicat burkinabè des magistrats (SBM)
Le secrétaire général adjoint
KIENTGA Nestor

Pour le Syndicat autonomes des magistrats burkinabè (SAMAB)
Le Secrétaire aux relations extérieures
MINOUNGOU Bangueibyame Pascal

Pour le Syndicat des Magistrats Burkinabè (SMB)
Le Secrétaire général
TRAORE Diakalya

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