Affaire guérisseuse de Komsilga : le procureur général près la cour d’appel de Ouaga appelle à respecter l’indépendance de la justice
COMMUNIQUÉ DU PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D’APPEL DE OUAGADOUGOU
Le jeudi 27 juillet 2023, j’instruisais le Procureur du Faso près le tribunal de grande instance de Ouaga Il d’ouvrir une enquête circonstancée en vue de l’identification et de l’interpellation des auteurs et complices de faits de coups et blessures volontaires et d’actes de torture diffusés sur les réseaux sociaux par le biais d’une vidéo mettant en scène une personne de sexe masculin soumise à la torture par des individus se réclamant d’une certaine guérisseuse traditionnelle bien connue des populations.
Faisant suite à ces instructions, le Procureur du Faso saisissait le commissariat de police de district de Komsilga dont l’enquête diligente permettait d’interpeller et de déférer devant le parquet les personnes ci-après désignées, lesquelles reconnaissaient leur qualité d’auteurs et de complices des faits dénoncés. Il s’agit de :
-NIKIEMA Amsétou, guérisseuse demeurant à Rakissé, département de Komsilga,
- NIKIEMA Samsoudine, né le 01/01/2002 à Toéghin-peulh,
-BARRY Adama, né le 01/01/2003 à Kienfangué,
-OUEDRAOGO Ousmane, né le 09/09/1986 à Ponsonmtenga,
-NIKIEMA Abdoul Razak, né le 12/02/2005 à Tampouy/département de Komsilga
-OUEDRAOGO Boureima, né le 17/08/2002 à Tampouy, département de Komsilga,
-NIKIEMA Camille,né le 04/03/1999 à Toéghin, département de Komsilga,
-KOANDA Sambo, né le 01/01/1987 à Vipalgo, département de Komki-Ipala, et de ROUAMBA Souyouba, auteur de l’enregistrement et du partage de la vidéo, interpellé après une courte cavale.
Suivant la procédure de flagrance, le Procureur du Faso près le tribunal de grande instance de Ouaga II décernait dans l’après-midi du vendredi 28 juillet 2023, mandat de dépôt contre les sus-nommés dans l’attente de leur procès prévu sous quinzaine conformément aux dispositions du code de procédure pénale
Le même jour, et alors que les prévenus attendaient leur transfèrement à leur lieu de détention, les locaux du tribunal de grande instance de Ouaga II étaient encerclés par des militaires en armes et véhicules militaires, venus exiger la remise entre leurs mains de la nommée NIKIEMA Amsétou.
Étant informé de la situation, je donnais instructions au Procureur du Faso de retenir les prévenus dans les cellules de détention du tribunal sous bonne garde des éléments de la Garde de Sécurité Pénitentiaire à qui instructions ont été données d’exécuter les termes des mandats de dépôt.
Contre toute attente, j’étais informé aux premières heures de ce samedi 29 juillet 2023 de faits graves mettant en cause l’autorité de la Justice, le respect de nos lois et les principes démocratiques de la séparation des pouvoirs entre l’Exécutif et le Judiciaire.
En effet, compte m’a été rendu que sur instructions du Directeur Général de l’Administration Pénitentiaire venu spécialement sur les lieux dans la nuit du 28 au 29 juillet à 2 heures, le fourgon des détenus avait été bloqué par la sécurité pénitentiaire, sur ordre et garanties sécuritaires données par le ministre de la justice. Dans la même nuit, vers 04 heures, la nommée NIKIEMA Amsétou était extraite du fourgon, sur instructions du Directeur Général de l’Administration Pénitentiaire et remise aux militaires prétendument membres de l’Agence Nationale du Renseignement. Le directeur de
l’administration pénitentiaire interpellé, indique avoir agi sur ordre du Ministre de la Justice.
Les faits ainsi relatés, établis dans leur matérialité et non contestables dans leur véracité, constituent une entrave grave à l’action judiciaire qui, faut-il encore le rappeler, ne reste attachée qu’aux principes édictés par la Constitution et les lois qui régissent notre pays.
En ma qualité de Procureur général près la cour d’appel de Ouagadougou, chargé aux termes de l’article 242-4 du code de procédure pénale, de veiller à l’applicationde la loi pénale dans le ressort de la cour d’appel, j’élève une protestation ferme et solennelle contre ces pratiques qui mettent en péril la paix sociale et compromettent l’élan de sympathie et d’accompagnement dont notre armée nationale bénéficie.
J’interpelle monsieur le Ministre de la Justice sur la nécessité qui lui incombe de respecter les principes de séparation des pouvoirs et d’indépendance de la justice, tout en l’invitant à prendre toutes dispositions utiles en vue de la réintégration de NIKIEMA Amsétou à la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou, en exécution du mandat de dépôt décerné contre elle.
En tout état de cause, je suis de très près les évènements en cours et selon leur évolution, l’entreprendrai dans les prochaines heures de saisir le Conseil Supérieur de la Magistrature de la
situation.
Force doit rester à la Loi.
Ouagadougou, le 29 juillet 2023
Laurent PODA
Officier de l’Ordre National