Politique

Conduite de la transition: l’ATR/DI appelle à “l’arrêt du musellement des voix estimées dicordantes”

Dans une déclaration datée du 15 novembre, l’Association pour la tolérance religieuse et le dialogue intercommunautaire (ATR/DI) a donné sa lecture sur la situation nationale, notament la conduite de la transition . Dans cetyte déclaration, que nous vous prposons in extenso, l’ATR/DI a appelé à “l’’arrêt immédiat de l’utilisation décret portant mobilisation générale et mise en garde pour museler les voix estimées discordantes, enrôler des citoyens critiques vis-à-vis de la gouvernance du MPSR et remettre ainsi en cause les droits fondamentaux des Burkinabè”.

L’Association pour la tolérance religieuse et le dialogue intercommunautaire (ATR/DI) suit avec intérêt les mutations politiques et institutionnelles qui ont cours dans notre pays depuis le coup d’Etat militaire opéré par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba à la tête du Mouvement patriotique pour le salut et la restauration (MPSR) le 24 janvier 2022. Le renouvellement de ses organes dirigeants, la création de nouvelles instances, la conduite de programmes avec certains de ses partenaires rigoureux et méticuleux et les nécessités de réorientation stratégique de sa vision de sorte à être en phase avec les défis du moment l’avait amenée à privilégier l’exécution de ses programmes d’activités annuels par rapport à des prises de position publique sur la gouvernance du pays. Aujourd’hui que le processus de réorganisation est presque à son terme et en attendant la relance officielle et médiatisée de ses activités, elle s’est crue en devoir de faire, à l’instar d’autres organisations de la société civile et de coalition d’organisations de la société civile, son constat de la dynamique imprimée de nos jours à la vie du pays par le Mouvement patriotique pour le salut et la restauration présidé depuis le 1er octobre 2022 par le capitaine Ibrahim Traoré suite au coup d’État opéré contre le lieutenant-colonel P.-H. S. Damiba, d’en donner sa compréhension et de lancer un appel citoyen aux gouvernants au vu du contexte sociopolitique lié aux choix stratégiques dans le domaine de la contribution des Burkinabè à la lutte contre le terrorisme, de la gestion des libertés individuelles et collectives en situation de guerre, des relations intercommunautaires et de la diplomatie burkinabè à travers le monde.

Notre jeune association, reconnue légalement le 18 septembre 2018, est d’autant fondée à le faire qu’elle contribue à défendre, à promouvoir et à protéger les droits et que l’article 5 de ses statuts dispose que son action vise « à l’exercice plein et entier de la citoyenneté et de la démocratie, à la coexistence pacifique des différentes races, groupes ethniques et religieux et à l’épanouissement des libertés individuelles et collectives. »

Cela dit, l’ATR/DI constate qu’il y a comme un décalage entre ce qu’ordonne la constitution, ce que contiennent le référentiel politique (Charte de la transition) et les accords avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest-CEDEAO d’une part et d’autre part la conduite des affaires de l’Etat alors que ces référentiels, supposés régir la transition et la gouvernance du MPSR, sont toujours en vigueur.

Concrètement, l’article 1 de notre constitution proclame que « Tous les Burkinabè naissent libres et égaux en droits » et « ont une égale vocation à jouir de tous les droits et de toutes les libertés… ». Elle y ajoute que « Les discriminations de toutes sortes, notamment celles fondées… sur les opinions politiques… sont prohibées ».

Quant à la charte signée le 14 octobre 2022, son article 1 souligne qu’« Outre les valeurs et principes définis par la Constitution du 02 juin 1991, la transition sera conduite suivant, entre autres, « le respect des droits humains, l’équité, le genre ». Le seul bémol est au terme de l’article 24 de la charte selon lequel « En cas de contrariété entre la Charte de la Transition et la Constitution du 02 juin 1991, les dispositions de la présente Charte s’appliquent. » Or, fort opportunément, il n’y a aucune contrariété, du moins concernant les aspects liés aux droits humains.

Enfin au titre des référentiels politiques, il y a les accords (notamment le retour à l’ordre démocratique en juillet 2024) signés avec la CEDEAO sous le magistère du lieutenant-colonel P.-H. S. Damiba et reconduits sous le capitaine Ibrahim Traoré le 05 octobre 2022 même si les partisans de ce dernier ont affiché ce jour-là leur hostilité à la mission emmenée par l’ancien président du Niger Mahamadou Issoufou.

Comme on s’en aperçoit, il n’y a pas non plus une quelconque contrariété ni avec la constitution ni avec la charte de la transition. Reste maintenant le décret n° 2023-0475/PRES-TRANS/PM/MDAC/MATDS/MJDHRI du 19 avril 2023 portant mobilisation générale et mise en garde. En rappel, le 15 décembre 2022, le Conseil constitutionnel donnait un avis favorable pour la prise de décret portant ordre de mobilisation générale et de la mise en garde. Toutefois, ce n’est qu’en fin mars 2023 (soit plus de trois mois après sa prise) que ledit avis a été rendu public et c’est le 19 avril que le décret a été signé. Ce que l’on sait en outre, c’est qu’en son article 8, le décret dispose que « Les droits et libertés individuels et collectifs garantis par les lois et règlements, peuvent, dans certains cas, être restreints ou limités conformément à la loi. Toutefois, il ne peut être dérogé aux droits fondamentaux notamment le droit à la vie… ».

Les éléments ci-dessus étant des faits, quelle compréhension faut-il en avoir ?

Si dans les cas de la constitution, de la charte et des accords de la CEDEAO, il n’y a aucune contrariété entre les différents textes, il n’en va pas ainsi du décret relatif à la mobilisation générale et à la mise en garde mis en parallèle avec les instruments ci-dessus cités et les conventions et traités (signés et ratifiés par le Burkina). En effet, l’analyse de contenu suscite d’emblée une interrogation : que signifie l’expression « …certains cas… » dans la phrase « Les droits et libertés individuels et collectifs garantis par les lois et règlements, peuvent, dans certains cas, être restreints ou limités conformément à la loi… ». Il n’est donc pas fait expressément cas des situations dans lesquelles ces libertés peuvent être restreintes. Cette formulation vague semble être malheureusement ce qui est utilisé légalement de nos jours contre la liberté d’expression, de presse et d’opinion qui est considérée comme un droit fondamental par la constitution, les Nations-Unies (via le haut-commissariat aux droits de l’Homme) dont le Burkina Faso est membre. Le décret qui ne considère pas, de ce fait, la liberté d’expression, de presse et d’opinion comme un droit fondamental, est en contrariété et avec la constitution et avec les accords, traités et conventions internationaux et (surtout) avec la charte de la transition mais cela n’est ni une incongruité, ni une impudence.

Par ailleurs, si la constitution déclare que tous les Burkinabè ont les mêmes droits et les mêmes obligations et que dans la charte, le respect, entre autres, de l’équité est une valeur, il est malheureux de faire remarquer qu’en réalité, ce sont uniquement les partisans du MPSR et notamment du président de la transition, le capitaine Ibrahim Traoré, qui ont le droit de manifester leur soutien à ce dernier. Il est encore plus malheureux de constater que leurs droits ne s’arrêtent pas là où sont censés commencer ceux des autres puisqu’ils se permettent de menacer publiquement et sur les réseaux sociaux (avec des armes blanches et des objets contondants) ceux qui ont une opinion contraire (ou même simplement différente) à celle des gouvernants de l’exprimer. Pire, ils disent prêts à massacrer ceux qui, comme la coalition formée par la Confédération générale des travailleurs du Burkina (CGT-B), prévoyaient d’organiser une marche ou seulement un meeting le 31 octobre 2023. Il est enfin malheureux de relever qu’à des fins plus répressives que de mobilisation patriotique, des réquisitions illégales selon les avocats des intéressés ont été émises le dimanche 05 novembre 2023 par le commandant du Commandement des opérations du théâtre national (COTN)à l’endroit de MM. Badjo Bassirou, membre du Balai citoyen, Bama Yacouba Ladji, Journaliste, Diallo Daouda, résident du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC), Korbéogo Gabin, président de l’Organisation démocratique de la jeunesse (ODJ), Lingani Issaka, Journaliste, Ouédraogo Ablassé, président du parti Le Faso Autrement et, Zinaba Rasmané, membre du Balai citoyen.

Pendant ce temps, les victoires enregistrées au front n’ont visiblement pas encore atteint la masse critique nécessaire pour entamer un changement positif et irréversible dans la lutte contre le terrorisme. Dans la même optique, le silence gouvernemental ou l’insuffisance d’informations d’origine institutionnelle sur les bilans des attaques perpétrées par les groupes armés terroristes (GAT) et les cas où les FDS et/ou les VD sont soupçonnés d’avoir commis des massacres sur des populations civiles désarmées comme à Bahn, Kaïn, Karma, Nouna et le 06 novembre dernier à Zaongo n’est pas en phase avec l’obligation de redevabilité vis-à-vis du peuple à laquelle doivent se plier ceux qui ont prêté serment pour le défendre et le protéger.

Au regard de cette situation qui se complexifie tendanciellement à un rythme accéléré, notre association appelle le gouvernement :

Au respect effectif des missions et des lois, des règlements, et des instruments internationaux que nous avons signés et que le président de la transition, le capitaine Ibrahim Traoré, a promis de respecter lors de sa prestation de serment le 21 octobre 2022 ;

A l’arrêt immédiat de l’utilisation décret portant mobilisation générale et mise en garde pour museler les voix estimées discordantes, enrôler des citoyens critiques vis-à-vis de la gouvernance du MPSR et remettre ainsi en cause les droits fondamentaux des Burkinabè.

Faite à Ouagadougou le 15 novembre 2023

Le Bureau national

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