Situation nationale : SENS inquiet « des risques d’escalades de violence et d’effusion de sang »
Notre pays fait face à la crise humanitaire complexe la plus grave de son histoire depuis plus de sept ans. Les victimes directes, leurs familles, et toute la nation en sont affectées dans leur chair et dans leur âme. Nous adressons une pensée pieuse à toutes celles et tous ceux qui sont morts pour défendre la patrie, pour que nous restions debout. Nous souhaitons également du courage à celles et ceux qui sont engagés à la défense de la patrie.
Nous avons vu, avec étonnement et indignation circuler sur des réseaux sociaux, un message de nature génocidaire, dont la gravité n’a d’égale que l’assurance décomplexée de son auteur. Il dit en substance ceci : “…Nous savons quel groupe ethnique est à la base de ses atrocités, ils ont des représentants ici à Ouahigouya. Nous leur demandons de parler à leurs parents sinon…”
Le mouvement SENS s’inquiète des possibles escalades de violence et d’effusion de sang qui pourraient encore endeuiller notre mère patrie. Ne sommes-nous pas assez fatigués de pleurer nos morts, n’avons-nous pas assez mal de savoir que des millions de nos frères et sœurs sont chassés de chez eux et qu’ils vivent sur des sites de fortune ?
Le message à caractère génocidaire qui circule depuis bientôt une semaine est abjecte et nous le condamnons avec la dernière énergie. Ce n’est malheureusement pas le seul, car d’autres messages du même type semblent avoir atteint un grand nombre de nos compatriotes. Il s’agit d’une vieille technique connue qui tente de faire accepter une contre-vérité, avant de passer à l’acte ignoble. Plus on expose des gens à un message, même mortifère, plus ils finissent par y adhérer, aussi ignoble que soit le message.
Pour ceux qui connaissent bien l’histoire des génocides et des atrocités un peu partout dans le monde, ceux-ci commencent généralement par l’identification, la déshumanisation et la persécution d’un groupe en raison de son origine ethnique, de sa race, de sa religion ou de sa nationalité. Cela se fait souvent par l’instigation des autorités ou sous leur silence complice.
L’histoire des autres nations doit nous instruire. L’Allemagne nazie, le Cambodge, le Rwanda et bien d’autres pays ont connu des horreurs parce que la majorité silencieuse est restée inactive devant les plans assassins d’une minorité qui s’est crue tout permis. C’est pourquoi nous disons que laisser indexer clairement un groupe ethnique, à savoir les Peuls, dans cette situation complexe, est une faute grave. Devrions-nous rappeler que toutes nos communautés, et en premier lieu la communauté peule, ‘sont toutes aussi affectées, et qu’elles sont toutes victimes du terrorisme ?
Nous appelons tous ceux qui diffusent ces messages, tous ceux qui les produisent, à cesser immédiatement. Ils seront tenus pour responsables devant l’histoire et devant l’opinion publique nationale et internationale des conséquences de leurs messages. Ils doivent savoir que tout ce qu’ils font et disent est documenté et que l’heure sonnera bientôt où ils devront en répondre.
Nous condamnons fermement les agissements irresponsables de ceux qui se font appeler « gilets rouges », et qui se promènent de domicile en domicile pour proférer des menaces sur d’autres concitoyens. Nous leur enjoignons d’arrêter immédiatement ces agissements qui sapent le fondement de notre nation, mettent en péril notre vivre ensemble et menacent gravement le fragile tissu social qui est déjà en lambeaux.
La tendance à traiter d’autres Burkinabè de sous hommes, d’apatrides, de traites et de tous les noms d’oiseaux de mauvais augures, qui a été renforcée par les sorties malheureuses du capitaine Ibrahim Traoré lui-même, et qui est également renforcée par le silence des autorités religieuses et coutumières, doit aussi être signalée car l’histoire le retiendra.
Le silence et l’inaction des autorités municipales, promptes à interdire les manifestations des organisations insoumises au pouvoir sont une prime pour les auteurs de ces menaces.
Que dire du gouvernement qui n’a jamais accordée la moindre attention à ces agissements attentatoires à la cohésion sociale, trahissant ainsi l’une de ses missions inscrites dans la Charte de la Transition à savoir, « œuvrer à la réconciliation nationale et à la cohésion sociale ». La responsabilité exige que tous et chacun doivent immédiatement donner de la voix, pour limiter les dégâts et éviter le pire.
Chaque Burkinabè est né libre, avec des droits inaliénables dont ceux de penser et de s’exprimer librement, sans crainte et sans peur pour sa vie.
Nous lançons enfin un appel solennel à toutes les organisations de défense des droits humains et à tous ceux qui sont épris de paix et de justice, à être mobiliser et à mener des actions terrain pour un retour de la sérénité et de la paix dans notre pays.
Ouagadougou le 21 avril 2024,
La Coordination Nationale