Organisons des examens : « notre premier diplôme universitaire ne reflète aucun niveau »
1- Le CEP : un pour les cracks, un pour les cancres.
Le 4 juin démarreront les épreuves écrites du CEP et du BEPC. Comme les meilleures années, nous aurons nos chiffres décroissants : 75% au CEP, 50% au BEPC, 40% au Bac et enfin 2 étudiants sur 2000
passeront en deuxième d’université. Les chiffres déclinent : la morale est sauve. Le progrès fait rage : plus nos enfants grandissent plus ils s’abrutissent. Toutefois, levons l’équivoque : ce n’est pas ”l’école qui rend bête” mais le système.
Notre fameux premier diplôme académique, qu’ai-je écrit, notre premier diplôme universitaire ne reflète aucun niveau. De nos jours, un rare certifié peut écrire une belle lettre pour annoncer son succès. Beaucoup écrivent difficilement leur nom et prénom. La plupart des élèves s’étripent en 6e pour conjuguer le verbe être aux 8 temps de l’indicatif ou réciter les 26 lettres de l’alphabet. D’où la légitime question : comment peut-on avoir des élèves qui réussissent 100% au CEP mais dont la majorité peine en classe de 6e ?
Rendons justice. Comme on le dit vulgairement, il y a CEP dans CEP. Il est clair que le dernier d’une classe de 15 élèves qui obtient son CEP n’a pas le même niveau que le dernier d’une classe de 90 élèves. Et comme on ne mentionne ni le nombre de points ni la moyenne sur le diplôme, celui qui obtient son CEP avec la ”mention pitié”, (l’on a racheté avec 1 point pour qu’il obtienne les 100/200) est tout aussi ”certifié” que l’élève admis avec 189 points. Et comme il y a des collèges pour les cracks et des collèges pour les cancres, tous iront en 6e, mais sélectivement.
2- L’organisation du CEP : une gigantesque tricherie à ciel découvert.
Le CEP est le seul et unique examen qui n’a de national que de nom. Il n’évalue même pas l’ensemble des élèves d’une même direction provinciale. Tout l’examen est organisé dans la Circonscription. C’est le Chef de la circonscription d’éducation de base qui est maître de tout. Ce sont ”ses” maîtres qui administrent les épreuves, les corrigent, relèvent les notes, les calculent et proclament les résultats, sous l’œil poché par l’enveloppe kaki du Superviseur Général en Chef de tous les jurys de la circonscription.
Et comme la compétition de la meilleure CEB, du meilleur élève, du meilleur maître du 100% est lancée, on entend, à chaque début d’examen, la phrase fétiche : ”Ce sont nos enfants, il ne faut pas les punir. Et n’oubliez que notre CEB doit bien se classer”. Et cela tombe bien. Comme il y a quatre ”matières orales” (récitation/chant, lecture, dessin et sport) dont la mesure de la performance ne dépend pas du candidat mais de l’humeur du correcteur, les élèves obtiennent presque systématiquement entre 8 et 9/10 pendant qu’ils n’arrivent pas à écrire correctement leur nom et prononcent sans au lieu de chant.
Mais trouvons une excuse pour les acteurs. Le système demande de laisser passer le dernier de ”la classe des 1” (cp1, ce1 et cm1) même avec 1,5/10 de moyenne. Quant au 2 (cp2, ce2 et cm2), il y a un pourcentage (5 ou 10,%, c’est selon) d’élèves de la classe autorisé à redoubler. Autrement, même avec 3,5/10 de moyenne, l’élève peut être admis en classe supérieure. Alors, pourquoi vouloir donc, que tout à coup, soudain, brusquement, le même élève obtienne au moins 5/10 à l’examen du CEP ? Manifestement, il y a une mauvaise foi quelque part. Il faut arrêter la déconne. Les acteurs ont bien ”raison d’aider les enfants”.
3- Le CEP : un diplôme… pour manger aussi.
Au regard de l’inutilité du CEP dans la vie actuelle, de son obsolescence, de son inefficience, parce qu’il n’évalue rien, on le supprimerait sans grand dommage pour cause de son coût affreusement dispendieux. Mais on le maintient. Le premier argument est que ”si l’on supprime le CEP, le niveau des élèves sera pire que cela puisque les maîtres n’auront plus la pression de l’examen”. Argument très ténu, s’il en est. La vraie raison, dont il faut parler sous cape, est que l’organisation du CEP permet aux acteurs du primaire ”eux aussi de manger” : du surveillant de la salle d’examen au … en passant par les correcteurs, ”chacun gagne un peu”. Alors, ne coupons donc pas le gombo des gens. Pour l’instant.
André Eugène ILBOUDO
Fondateur d’établissement et promoteur de la radio des écoles.!
Il faut dénoncer les cas de fraude si vous avez des preuves. Cela aiderait mieux le système que la critique fort docte qui finalement conclue qu’il faut laisser les choses en l’état. Quand les épreuves du CEP seront en Moore, Bissa, Dioula et Fulfulde, on reparlera du niveau des élèves. Shalom !