Est : Le MBDHP/Gourma interpelle les autorités sur les cas d’enlèvement et de disparition forcée
“Depuis 2015, notre pays traverse une situation sécuritaire difficile se traduisant par des attaques terroristes meurtrières contre des positions militaires et des populations civiles, des enlèvements et exécutions du fait de groupes armés terroristes, des destructions de biens, des déplacements massifs de populations et tout leur corolaire humanitaire.
La province du Gourma dans la région de l’Est, n’échappe malheureusement pas à cette tragédie.
Face à cette situation, pour protéger ses citoyens, l’Etat dans sa mission régalienne prend des mesures dont notamment les actions sur les théâtres d’opération, ainsi que les actions d’interpellation et d’arrestation de personnes suspectées d’actes ou de complicité de terrorisme. C’est l’occasion pour le MBDHP/Gourma de féliciter encore les forces combattantes pour leur bravoure et leur détermination dans la mission de sécurisation du territoire et des citoyens.
Cependant, dans le cadre des actions de sécurisation, en dépit des initiatives prises par les autorités en matière de formation des forces de défense et de sécurité (FDS) au respect des droits humains dans la conduite des missions de terrain, on note encore hélas des cas de disparitions forcées imputés à tort ou à raison à nos FDS et volontaires pour la défense de la patrie (VDP), ce qui est de nature à ternir leur réputation.
Aux termes de l’article 2 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées dont le Burkina Faso est signataire, « on entend par disparition forcée, l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’Etat ou par des personnes ou groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’Etat, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi ».
En effet, depuis un certain temps, le MBDHP/Gourma est régulièrement saisi par des citoyens dont les proches sont victimes de disparition forcée. Ces victimes sont enlevées ou arrêtées sans notification, par des personnes en tenues civile ou militaire.
Ces arrestations/enlèvements suivis de disparition forcée sont effectués dans la ville de Fada N’Gourma, aussi bien dans les quartiers d’habitation qu’au niveau du marché à bétail. Si dans certains cas, les corps de personnes ainsi enlevées sont par la suite retrouvés dans la nature, dans d’autres cas, les parents demeurent sans aucune nouvelle.
Dans d’autres cas encore, ce n’est que longtemps après, que les parents finissent par avoir la confirmation de la détention de leurs proches dans des centres de détention officiels légaux.
A titre d’illustration et de manière non exhaustive, les cas suivants pourraient être cités :
- THIOMBIANO Moussa alias Django, président du groupe d’auto-défense koglwéogo « Tin kubi ti dogu » de l’Est, enlevé en avril 2023 à domicile par des individus à bord d’un véhicule noir ;
- BANDE Amidou, président national des ruga, également enlevé en mars 2023 ;
- BARRY Tchoubado, arrêté dans la Komondjari, précisément au CMA de Gayéri, dans la nuit du 06 au 07 novembre 2020 dont les Officiers de Police Judiciaires (OPJ) n’ont jamais reconnu la détention. Ce n’est que de longs mois plus tard que sa détention dans un établissement pénitentiaire a été officiellement reconnue ;
- DIALLO Yobi enlevé le 19 février 2024 au secteur 1 (quartier sans fil) ;
- DIALLO Kina enlevé le 29 octobre 2023 aux alentours du marché à bétail de Fada ;
- DIALLO Boureima Idrissa enlevé dans la ville de Fada N’Gourma en février 2024 dont les proches n’ont pas de nouvelles jusqu’à ce jour.
En l’occurrence, il convient de rappeler à toute Autorité qu’en matière d’interpellation ou d’arrestation, les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 1 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées soulignent avec force qu’ « aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’Etat de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre Etat d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la disparition forcée ».
Autrement dit, lorsque l’Etat interpelle ou arrête une personne à domicile ou dans l’espace public, il a l’obligation de signifier à la famille de la personne la structure qui arrête la personne incriminée, la destination et le lieu précis de détention de la personne arrêtée.
D’une part cela rassure les proches de la personne arrêtée et raffermit la confiance entre l’Etat et ses citoyens.
D’autre part, cela permet d’éviter les dérives de la part de toute autorité ou personne investie ou délégataire de pouvoirs régaliens de l’Etat.
Au regard de ce qui précède, le MBDHP/Gourma :
- Appelle les autorités au respect de la « Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées » à laquelle le Burkina Faso a librement adhéré, notamment en prenant des mesures appropriées pour enquêter sur les agissements définis à l’article 2 de ladite Convention et traduire en justice tout contrevenant à ses dispositions.
- Interpelle les autorités sur l’absolue nécessité de faire cesser la pratique des disparitions forcées ;
- Encourage les FDS et les VDP à une stricte application de l’esprit et du contenu des modules de formation en droits humains, ainsi qu’à plus de respect des dispositions légales en matière d’interpellation ou d’arrestation de personnes ;
- Appelle ses militantes et militants à continuer de s’engager dans la lutte contre le terrorisme aux côtés de toutes les composantes de notre peuple et à soutenir toutes les actions et efforts allant dans le sens d’une lutte résolue et efficace contre les forces du mal qui écument nos villes et campagnes.
Fada N’Gourma, le 18 juillet 2024
La section”