Coup d’Etat au Mali : l’opposant Soumaïla Cissé, une victime collatérale
Alors qu’un autre sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la CEDEAO est prévu pour se tenir le jeudi 27 août, les missi dominici de l’organisation sont repartis de Bamako mardi dernier, presque bredouilles de leur mission de bons offices auprès des nouvelles autorités du Mali.
A part une amélioration des conditions de détention du président déchu, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), qui, cerise sur le gâteau, peut sortir du pays pour se soigner, les émissaires de la Communauté régionale n’ont rien eu à mettre dans leur escarcelle diplomatique. Il faut croire que le colonel Assimi Goïta, le président du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), et ses compères de la junte n’ont rien lâché. Au demeurant, la CEDEAO qui, au summum des manifestations de rue à Bamako, n’avait que les yeux braqués sur le sort d’IBK, peut se réjouir du gentleman agreement pour raison humanitaire que ses négociateurs ont obtenu des nouveaux maîtres de Bamako quant aux conditions de détention du président IBK. Gentleman agreement qui risque de ne pas être suffisant pour que les chefs d’Etat de la CEDEAO décident de la levée des sanctions prises contre le Mali dès leur visioconférence de ce 27 août.
Par contre, on s’étonne que les émissaires de l’organisation sous régionale aient fait très peu cas de Soumaïla Cissé, ci-devant chef de file de l’opposition malienne, enlevé depuis le 25 mars 2020, au centre du pays, alors qu’il était en pleine campagne électorale. C’est vrai que l’opposant n’est pas détenu par la junte mais les émissaires de la CEDEAO auraient pu s’inquiéter de son sort et demander au nouveau pouvoir de se préoccuper de sa libération. En effet, à côté des autres acteurs politiques maliens, il pourrait participer à la fondation de la nouvelle démocratie que projettent les tenants du CNSP.
En attendant, en plus des 4 morts et de la quinzaine de blessés dus à des balles perdues tirées pendant la mutinerie qui a mué en putsch ce 18 août, Soumaïla Cissé est assurément une victime collatérale de ce coup d’Etat. De fait, ses ravisseurs, même s’ils voulaient conclure rapidement les négociations engagées sous IBK, ne trouveraient personne en face. En effet, les Malick Diaw, Ismael Wagué et autres colonel Assimi Goïta sont plus préoccupés à asseoir leur pouvoir qu’à discuter avec les ravisseurs de l’opposant. Au demeurant, à défaut d’être dans le secret des dieux, ce rapt n’ayant jusqu’ici pas été revendiqué, les nouveaux maîtres de Bamako ne sauraient à qui demander la libération de l’opposant.
Ainsi donc, du silence des émissaires de la CEDEAO sur son cas, à l’absence d’interlocuteurs, en passant par la préoccupation du CNSP à asseoir son autorité, Soumaïla Cissé pourrait ronger ses freins à être libéré. Pourtant, voilà 5 longs mois que dure le calvaire de l’opposant dont les partisans ont été les premiers à crier à la démission d’IBK lorsque ce dernier battait campagne pour se succéder en 2018. Deux ans après, l’évolution de la situation socio-politique du Mali leur donne raison. Alors, si la détention de Soumaïla Cissé par ses ravisseurs devrait perdurer, l’empêchant d’apporter sa contribution qui porterait un nouveau Mali sur les fonts baptismaux, ce serait une énorme injustice : celle que seule l’histoire peut causer aux Grands hommes qui ont souvent eu tort d’avoir raison trop tôt.
Heureusement on n’en est pas encore là, même si rien n’indique que la libération de Soumaïla Cissé est pour bientôt. Pourvu alors que ce statut de victime collatérale du coup d’Etat du 18 août ne se prolonge pas ad vitam aeternam.
Zéphirin Kpoda
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